Qu’est-ce que l’accord ?
C’est le réglage de la hauteur des notes d’un instrument de musique. On recherche par là la justesse de l’instrument.
Qu’est-ce que la justesse ?
Plusieurs définitions possibles :
- La justesse absolue désigne une hauteur de note fixée à une fréquence précise. Par exemple : La3 = 440Hz. Cette définition n’est pas la plus intéressante pour ce qui va suivre.
- La justesse relative désigne l’écart, l’intervalle précis entre deux notes. Les approches pour définir la valeur de cet écart sont diverses. De manière générale, un intervalle juste est agréable à l’oreille, beau. Notons que lorsqu’on précise “harmoniquement juste”, on entend par là que certaines harmoniques des deux notes coïncident et sont exactement à la même fréquence.
Qu’est-ce que les harmoniques ?
Sauf exception, lorsque l’on entend une note, celle-ci est un son composé d’une harmonique fondamentale et de plusieurs harmoniques secondaires. Lorsque vous pincez une corde tout en l’effleurant en son milieu, vous entendez la même note à l’octave supérieure. Cette octave correspond à l’harmonique n°2 (la n°1 étant la fondamentale, celle que vous entendez en pinçant la corde à vide). Chaque harmonique correspond à une division de la corde en plusieurs parties égales (en 2, 3, 4, 5 …), et la fréquence de ces harmoniques est un multiple de la fréquence de l’harmonique fondamentale.
Tous les intervalles musicaux ont été construits à partir des intervalles entre les différentes harmoniques : l’octave entre les harmoniques 1 et 2, la quinte entre les harmoniques 2 et 3, la quarte entre les harmoniques 3 et 4 etc… L’intervalle le plus important de la musique occidentale est l’octave, à tel point que deux notes séparées par une octave portent le même nom.
Comment accorder sa harpe ?
Le principe est simple : Il suffit de tendre (ou détendre) les cordes en tournant la cheville à l’aide de la clef d’accord.
En général, on tend en tournant la cheville dans le sens des aiguilles d’une montre (en vissant) et on détend dans l’autre sens.
Reste à savoir où on se situe par rapport à la justesse et à avoir le geste suffisamment précis pour l’atteindre. C’est là que se situe tout l’apprentissage. Certains utilisent un accordeur électronique pour savoir où se situe la justesse. Pour des raisons que j’explique plus loin, je conseille fortement, y compris aux débutants, de ne s’en servir que dans des cas bien particuliers.
Concernant la précision du geste, c’est avant tout une pratique courante qui permettra de l’atteindre. Un bon conseil : allez droit au but. Vous mettrez beaucoup moins de temps à accorder votre harpe, et, croyez-moi, la qualité de votre accord n’en sera que meilleure.
L’accord à l’oreille se fait toujours de manière relative, c’est à dire d’une note par rapport à une autre. Pour accorder à l’oreille, il faut écouter un phénomène d’interférence entre les harmoniques que l’on appelle battements. Soyez rassurés, c’est très simple. Tous le monde peut l’entendre, à condition de savoir quoi écouter. Lorsque l’intervalle entre deux notes est proche de la justesse harmonique, si on y fait attention, on entend un petit wha…wha…wha… qui ralentit quand on approche de la justesse harmonique et qui accélère lorsqu’on s’en éloigne. Ces battements donnent une indication très précise sur la justesse de l’intervalle, et c’est à l’aide de ce phénomène que l’on accorde l’ensemble de son instrument.
Pour revenir à la harpe (ou n’importe quel autre instrument), il faut commencer par accorder une première note qui servira ensuite de référence. Usuellement, on accorde le La à partir du diapason, mais à défaut de diapason, on peut prendre pour référence un autre instrument (déjà accordé, cela va de soi), la tonalité du téléphone (en principe c’est un La), ou un accordeur électronique.
Prendre le diapason, le faire sonner et faire sonner en même temps la corde de La. Si la corde n’est pas trop fausse, on devrait entendre ces fameux battements. Sinon, il faut s’approcher de la justesse grossièrement. Une fois qu’on entend les battements, tourner la clef d’accord pour les faire ralentir jusqu’à ce qu’il s’arrêtent. Les premières fois, allez-y lentement, pour bien entendre les battements, et pour ne pas passer à coté de la justesse sans s’en rendre compte. La démarche est la même en utilisant un autre instrument ou la tonalité du téléphone.
Petit conseil pratique concernant le diapason: vous pouvez le faire sonner en posant la base sur la table d’harmonie, ce qui sonne bien, ou caler la base entre les dents. Ça marche bien aussi, et ça libère une main. À savoir aussi: tous les diapasons ne se valent pas. Certains sonnent beaucoup plus longtemps que d’autres.
Une fois que la corde de référence est accordée, il faut faire ce qu’on appelle la partition. Cela consiste à accorder toutes les notes sur l’étendue d’une octave. C’est la partie la plus technique de l’accord, mais aussi la plus passionnante. Les débutants qui ne tiennent pas à y perdre trop de temps peuvent sauter cette étape et utiliser l’accordeur pour obtenir une partition propre. À ce stade là il faut faire des choix, et décider quel tempérament utiliser. Le plus utilisé est le tempérament égal, mais c’est aussi le plus difficile à mettre en œuvre, et le moins intéressant à mon goût, surtout pour la harpe. J’expliquerai plus tard ce que sont les tempéraments. Dans l’immédiat, voici celui qui est de loin le plus facile à réaliser:
Faire sonner la quinte La – Ré. Tourner la cheville du Ré pour faire ralentir les battements jusqu’à ce qu’ils disparaissent. On obtient de cette manière une quinte harmoniquement juste, et à chaque fois qu’on fait disparaître les battements, l’intervalle est harmoniquement juste. Opérer de la même manière pour la quarte Ré – Sol, puis pour la quinte Sol – Do, la quarte Do – Fa, la quinte Fa – Sib, et la quarte Sib – Mib. Ce qu’on obtient n’est pas à proprement parler un tempérament puisqu’on ne tempère rien, mais c’est une base qui est importante à acquérir avant de s’attaquer aux tempéraments.
Une fois la partition terminée, il ne reste plus qu’à la propager au reste de la harpe, octave par octave. En descendant, vous accordez la corde de Si par rapport au Sib que vous venez d’accorder, en faisant disparaître les battements de manière à avoir une octave harmoniquement juste. Vous faites ensuite la corde de La et les suivantes de manière identique. Puis exactement pareil en remontant dans les aigus à partir de la partition.
L’accordeur électronique
Beaucoup de musiciens se servent de ce petit boîtier pour s’accorder de manière courante. C’est à mon avis une erreur, de pédagogie mais aussi de goût.
Pédagogiquement, lorsqu’on se sert systématiquement de l’accordeur, on perd cette qualité d’écoute que l’on entretient avec une pratique régulière de l’accord à l’oreille. Et puis l’accord à l’oreille est plus qu’un apprentissage, c’est aussi une éducation.
Du point de vue du goût, il ne faut pas oublier que le juge au final, c’est l’oreille humaine. Le but de l’accord est d’obtenir quelque chose d’agréable et même de beau à l’oreille. Ce sont là des notions qu’aucun accordeur électronique ne pourra cerner et prendre en compte.
Là aussi, tous les accordeurs ne se valent pas. Les accordeurs premier prix sont imprécis et peu réactifs. À côté de cela, certaines applications à plusieurs centaines d’euros sont très complètes et tiennent compte des phénomènes d’inharmonicité. Entre les deux, on trouve des accordeurs à des prix raisonnables qui sont très utiles lorsqu’on doit accorder au milieu du bruit.
Cet article est extrêmement intéressant.
Je joue régulièrement de la harpe en dilettante et j’accorde toujours à l’accordeur électronique, en rêvant de savoir le faire à l’oreille.
Ici, je découvre une technique qui semble simple et à la fois efficace et « éducative ».
Cependant, tant dans les explications théoriques (les harmoniques) que dans celles plus techniques (comment faire), je reste perdu par le vocabulaire et mon manque cruel de notions basiques musicales.
Bref : pour les notices comme moi, un dessin aurait été le bien venu 😉
Merci encore pour cet article que je vais lire, relire, et étudier à fond en cherchant d’autres documentations relatives aux termes qui me sont inconnus ! Merci merci !
Je suis malentendant et je commence la harpe gaélique. Je perçois entre autres les notes dans mon corps par la position de la harpe. Et vous comprendrez que j’apprécie l’accorder électroniquement, bien que tente d’utiliser mon oreille et mon corps. Je joue avec une partition.
J’ai trouvé votre description excellente, et je vous remercie infiniment du partage de votre savoir.
Très intéressant cet article. Ça ressemble à la partition que j’utilise pour accorder mon épinette. Cependant, je me demande s’il n’y a pas des erreurs :
– accorder la quinte la-ré pour avoir une quarté juste ??
– quand le la bémol est-il accordé ? Le si ?
– l’accord d’une si en descendant par rapport au si bémol me paraît bizarre.
– de manière générale, vous évoquez le tempérament sans expliquer plus avant. Je pense qu’avec des quintes et des quartes justes, vous ne pouvez pas obtenir une gamme juste (tempérament égal). Ne faut-il pas allonger les quartes et réduire les quintes ?
Bonjour,
Merci pour votre commentaire.
– Concernant la quarte la-ré obtenue en accordant la quinte la-ré, c’est une coquille. Merci à vous d’avoir relevé, je viens de corriger.
– Ce n’est effectivement pas très clair pour la corde de Si. En fait, la harpe étant un instrument diatonique à la base, mais muni de leviers de demi-ton, la corde de si est accordée à vide avec un sib, mais par commodité, on nomme les cordes sans leur donner d’altération. Il s’agit donc bien d’accorder un sib par rapport au sib précédent.
– Pour la même raison, on n’accorde pas le si bécarre. Celui-ci est obtenu en actionnant le levier de demi-ton.
– Je n’ai effectivement pas développé le sujet des tempéraments car celui-ci mériterait au moins un deuxième article, sinon un ou plusieurs livres (je peux vous en conseiller un). L’accord obtenu n’a effectivement rien à voir avec le tempérament égal, et il faudrait effectivement diminuer les quintes et augmenter les quartes pour obtenir ce dernier. Si j’en ai le courage et le temps, peut-être que j’écrirai un deuxième article complémentaire à celui-ci pour développer.