Le plan de cordes est une définition de toutes les cordes que l’on met sur un instrument. C’est en quelque sorte une liste sur laquelle figurent les notes avec leurs fréquences respectives, les longueurs vibrantes, les types de cordes, et les diamètres (ou calibres). Les tensions y figurent généralement aussi, ainsi que toutes autres informations utiles (angle par rapport à la table, angle de la corde sur le sillet, référence des cordes chez le fournisseur, prix, position théorique du levier de demi-ton…)
C’est en général la première étape de la conception des instruments à cordes, et son importance est capitale pour le timbre et la puissance.
Lorsque l’on travaille sur un plan de cordes, il est nécessaire de connaître le rapport entre la tension appliquée à la corde, la note qu’elle émet (ou plus exactement la fréquence de vibration), sa masse linéique (poids d’un mètre de corde), et la longueur vibrante. Ce rapport est défini par la formule de Taylor :
T = 4 μ F² L²
avec T la tension en Newton, μ la masse linéique en kg/m, F la fréquence en Hz, et L la longueur en mètres
La formule s ‘écrit également en fonction du diamètre et de la masse volumique de la corde :
T = π ρ d² F² L²
avec ρ la masse volumique en kg/m³ et d le diamètre en mètres
En dehors de l’intérêt que cette formule a pour calculer la tension totale de l’instrument, elle a des conséquences directes qu’il est important de connaître :
– Pour une corde donnée, si on augmente la tension, on augmente la fréquence. C’est ce qui se passe lorsqu’on accorde.
– Pour une corde donnée, si on diminue la longueur vibrante sans modifier la tension, on augmente la fréquence. C’est ce qui se passe lorsqu’on actionne le levier de demi-ton.
– Pour une longueur de corde donnée, si on met une corde plus lourde (en augmentant le diamètre ou en changeant de type de corde), à tension égale, la fréquence est inférieure, et si on veut la même note, il faut tendre plus. C’est ce qui se passe quand on met du boyau à la place du nylon.
En ce qui concerne la conception d’un plan de cordes de harpe, on choisit d’abord, en général, le type de cordes et la tessiture, puis l’angle par rapport à la table.
Ensuite il faut choisir les longueurs vibrantes, c’est-à-dire, pour chaque corde, la distance entre le sillet et la table. C’est un choix très important. Non seulement parce qu’une fois qu’il est fait, il est difficile de revenir en arrière (les longueurs vibrantes définissent la forme de l’instrument), mais aussi parce les longueurs vibrantes influent directement sur le timbre de l’instrument et sur sa propension à casser des cordes.
Choisir la longueur vibrante d’une corde en fonction de la fréquence revient à choisir le taux de sollicitation. En effet le choix du calibre ne change à peu près rien de ce point de vue : si on augmente le diamètre de la corde pour une longueur vibrante et une note données, on augmente à la fois la tension et la résistance de la corde, et les deux s’annulent, à peu de choses près.
En revanche, en augmentant la longueur vibrante pour une note et un diamètre donnés, on augmente la tension sans augmenter la résistance de la corde et on s’approche du point de rupture.
Si on choisit des longueurs vibrantes trop longues, les cordes vont casser trop souvent. Mais si on choisit des longueurs vibrantes trop courtes, les cordes ne sonneront pas bien. On a donc une fourchette de longueur, propre à chaque matériau, dans laquelle la corde va bien sonner.
Cette fourchette est en théorie inversement proportionnelle à la fréquence, ce qui ferrait que si une corde sonne bien entre 30 et 70 cm pour une note donnée, elle sonnera bien entre 60 et 140 cm pour l’octave d’en dessous. Par conséquent, dans les basses on aurait théoriquement des longueurs vibrantes idéales incroyablement longues. C’est pour cela que l’on utilise des cordes filées, qui sont alourdies artificiellement sans changer la résistance de la corde (et accessoirement cela évite également des soucis de rigidité et d’inharmonicité de la corde avec des trop gros diamètres).
Une fois les longueurs vibrantes choisies, on va pouvoir choisir les diamètres. Le diamètre a son influence sur le timbre, mais surtout sur la tension, et donc sur le toucher et la puissance sonore. En augmentant le diamètre, on augmente la tension. Le toucher est alors plus dur, et la puissance sonore plus grande. Les harpistes classiques aiment bien cela, en général. Mais, si le calibre est trop important, la corde devient trop rigide et on a des problèmes d’inharmonicité. Accessoirement, les gros calibres sont plus chers, et ça, les harpistes aiment beaucoup moins.
Un autre paramètre à prendre en compte dans le choix des calibres et de la tension est le poids de la harpe. En effet, en choisissant une tension plus grande, on est obligé de concevoir la structure plus solide, et donc plus lourde.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que les instruments médiévaux avaient probablement un toucher extrêmement léger par rapport aux instruments modernes.